Quenelle, rosette, jésus, tablier de sapeur… Quelques noms de plats lyonnais, parmi tant d’autres, synonymes de bons repas, dans un bon bouchon où l’accueil est chaleureux et l’ambiance conviviale.
La gastronomie lyonnaise, est réputée dans le monde entier, grâce à Paul Bocuse. Mais avant d’en arriver là, ce résultat est le fruit d’une évolution qui remonte à loin.
On peut être tenté de lui voir une genèse dans les écrits de François Rabelais (XVIe siècle). Ecrivain du courant humaniste né à Chinon, il est venu exercer son métier de médecin à l’Hôtel Dieu. Il se serait inspiré de la vie lyonnaise pour écrire ses œuvres Gargantua et Pantagruel, où la bonne chère ne fait pas défaut.

François Rabelais
Il faut bien comprendre qu’avant le XXe siècle, les produits qui venaient de loin étaient des produits de luxe, réservés à ceux qui pouvaient se le permettre. Le sucre, à titre d’exemple, venait exclusivement d’Inde. Jusqu’à la découverte de l’Amérique, qui l’a rendu plus accessible, mais il venait tout de même de très loin et coûtait cher.
Les produits courants venaient donc de la région et nous avons la chance d’en avoir une particulièrement fournie en produits de qualité. En faisant un tour d’horizon rapide, on trouve : au sud de la Bourgogne, les vins de Mâcon et la viande de bœuf charolais. Les cépages du Beaujolais et des côtes du Rhône sont appréciés. En Bresse, il y a le fameux poulet ; la Dombes fourni les grenouilles et le gibier d’eau ; Les lacs de Savoie procurent le poisson ; en Isère, il y a d’excellents fromages (St Marcellin, St Félicien…) Les départements agricoles, autour de la ville, cultivent des primeurs très variés : pommes, poires, cerises, mais aussi melons, amandes, truffes… (Drôme, Ardèche). Enfin, on y trouve des élevages de toutes sortes.
La gastronomie lyonnaise est une synthèse de tous ces produits, à travers des recettes élaborées au fil des siècles par les cuisiniers lyonnais (ou de la région). On peut distinguer deux étapes importantes.
En 1793, la ville est attaquée par les révolutionnaires parisiens. Le gouvernement de Robespierre accuse Lyon d’être royaliste (la réalité n’est pas aussi simple, mais c’est une autre histoire). Ils considèrent cette ville comme une petite Vendée à mater et envoie une armée de 50 000 hommes en faire le siège en août. Il va durer deux mois et demi, avant que la ville ne tombe.
Durant ce laps de temps, peu de choses peuvent entrer dans la ville, même s’il y a quelques trous dans le filet (Roanne a pu acheminer quelques vivres, mais pas suffisamment pour la ville entière). Comme dans toutes les villes, à cette époque, il y a des cochons. Ce serait la raison pour laquelle la cuisine lyonnaise est aussi fournie en charcuterie : pour préserver le moral des troupes et de la population, les cuisiniers auraient inventé des recettes à base de cochon, pendant le siège.

Rosette de Lyon
On peut voir une seconde étape, plus importante encore, avec la période des mères lyonnaises. Les plus célèbres ont leur photo et leur histoire, sur un mur, à l’intérieur des Halles Paul Bocuse. Les premières à s’être installées à leur compte sont des anciennes cuisinières d’industriels, licenciées suite aux crises qui ont secoué l’industrie de la soie.

La mère Richard a, aujourd’hui, un parvis à son nom

On repérait facilement la mère Bidaut, sur le marché

La mère Bizolon accueillait les poilus à la gare de Perrache
On peut dire que ce sont elles qui ont fait de la gastronomie lyonnaise ce qu’elle est. Elles ont rivalisé de créativité pour inventer des recettes toutes plus succulentes les unes que les autres. La plus célèbre d’entre elles est un monument : la mère Brazier est la seule à avoir obtenu trois étoiles pour chacun de ses deux restaurants. Elle a aussi formé plusieurs grands chefs du XXe siècle, dont Paul Bocuse.

Dans les années 1920, un journaliste-écrivain, dont le nom de plume est Curnonsky, fonde « l’Académie des Psychologues du goût ». On l’appelle très vite « Le Prince des gastronomes » et il publie « La France Gastronomique », gros travail de 28 fascicules. C’est lui qui baptise Lyon « Capitale de la Gastronomie ». Il va en faire la renommée nationale. Par la suite, Paul Bocuse ouvre des restaurants dans le monde entier et élève sa renommée à l’échelle mondiale.

Maurice Edmond Sailland, alias Curnonsky, caricaturé dans Paris-Soir (source : Wikipedia)
Cette gastronomie comporte des recettes aussi bien salées que sucrées. Dans les desserts et friandises, on peut dire que la praline est un élément central et qu’on en trouve un peu partout. Cette amande, enrobée de sucre rouge ou rose, peut se consommer de plusieurs manières : sous la forme de bonbons, notamment. Mais on peut aussi en faire une sorte de confiture pour en mettre sur les fameuses tartes à la praline ; ou les briser pour en mettre dans les gâteaux, les cakes, les brioches… Et il en a même été inventé un sirop.
Pour conclure, et clôturer un débat sur l’origine de la brioche à la praline : certains pensent que c’est une invention de Roanne. En effet, le produit phare est celui du chocolatier Pralus, la « Praluline » (à mes yeux la meilleure, mais c’est subjectif). D’où la confusion, car Pralus est un chocolatier Roannais, à la base. Mais en réalité, la brioche praline vient de Savoie et est originaire de St-Genix-sur-Guiers.
